Histoire aéronautique de Toulon-la-Montagne
Quand on pense à l’aviation, le village de Toulon-La-Montagne n’est pas celui qui vient en premier à l’esprit. Dans la région Vatry, Prunay, Plivot ou Sézanne-Saint-Remy pour leurs aérodromes ou encore à Bouy village de naissance de Guillaumet.
Cependant il y a d’autres villages avec cette petite histoire de l’aviation, Broussy-le-grand qui abrita de longues années une base secondaire de l’armée de l’air et Vandières témoin du premier aérolargage de matériel à la fin de la première guerre mondiale.
Toulon-la-Montagne trouve sa place dans cette histoire au travers d’un besoin technique d’une part et malheureusement d’une tragédie d’autre part.
Le phare aéronautique
Après la première guerre mondiale, l’aviation commerciale va se développer peu à peu. Du fret et des passagers vont être transporter par ce nouveau moyen de locomotion de façon exponentielle. Mais certains facteurs limitent encore sa croissance, la fiabilité et la puissance des moteurs, les moyens de navigations et la météo notamment. Les ingénieurs travaillent bien et les problèmes trouvent des solutions petit à petit.
Concernant la navigation, elle se fait au début à vue en utilisant une méthode Chrono, Carte, Sol, encore enseignée pour les vols à basse altitude. On est loin de la précision d’un GPS et la nuit ainsi que la météo limite grandement l’efficacité de cette méthode, obligeant au report de certains vols. Pour palier à ces problèmes deux concepts tiennent la corde; Le premier basé sur les ondes radio, permet de s’affranchir totalement de la vue du sol. Le souci, c’est la fiabilité et le poids des équipements, souvent trop lourd dans les années vingt, ils empêchent d’autant le transport de charge marchande. Le second est visuel, il s’appuie sur la longue expérience de la navigation maritime. Il s’agit donc de phare visible par les avions de jour comme de nuit quel que soit la météo.
Plusieurs routes sont tracées pour relier les plus grandes villes du pays à Paris. Les phares sont espacés de 20 à 40 km ce qui permet aux pilotes de passer de l’un à l’autre en gardant le visuel permanent de deux phares. A chaque Phare est attaché une couleur et un code morse (clignotant) correspondant à une lettre, tout comme leurs homologues marins. Ceci afin d’offrir une discrimination entre chaque localisation. En revanche il ne faut pas imaginer des phares semblables à ceux des côtes, il s’agit, dans la majorité des cas, de grands pylônes ou de bâtiments existants surmontés de feux à néons visibles à 360°.
Ce système à quand même quelques problèmes majeurs. Il est relativement cher à l’installation et à l’entretien. Il n’est pas possible d’en poser n’importe où. Certains nuages les rendent complétement invisible du ciel. Et ils provoquent des nuisances lumineuses pour les habitants au sol (ce qui à l’époque n’était pas pris en compte !). Ce système sera malgré tout utilisé des années vingt aux années cinquante. En France on dénombrera 61 phares en 1930 et jusqu’à 167 phares en 1935. L’arrivée de solutions de radionavigations fiables et suffisamment légères dans les années 40 mettra un frein au développement des phares. Puis leur entretien coûteux et l’impossibilité de leur utilisation pendant la seconde guerre mondiale achèveront de faire péricliter ce système.
sur une photo en bas, la carte des phares de France ( crédit Gérard Mauvais & Senon.org) où l'on voit le phare de Toulon-la-montagne, sur la ligne paris-strasbourg, Il était situé à côté de l’actuel Mairie de Toulon-la-Montagne.
Image de la carte IGN de 1954 , l’indication du phare est encore visible, C’était un phare au néon (rouge) , sa position exacte : 48°51’19.11N 003°52’41.81E
La tragédie du 04 janvier 1945
La guerre en est à sa cinquième année, le territoire national est presque entièrement libéré, la victoire finale se rapproche de jour en jour, mais en ce début d’année 1945 tous n’est pas réjouissant sur le front ouest…
La bataille des Ardennes n’est pas encore terminée, l’opération Nordwind est lancée par les allemands le 1er janvier en direction de Strasbourg et l’opération Bondenplatte a détruit ou endommagé environs 500 avions alliés sur 30 aérodromes différents lors du dernier grand raid de la Luftwaffe le 1er janvier.
A cela il est permis d’ajouter une ligne logistique allongée depuis les ports d’Anvers et les ports français. Il faut imaginer des milliers de camions effectuant des allers-retours entre les bateaux et les différents dépôts du front pour fournir tous les besoins de la guerre. Quand ces besoins se font urgent, cette fois-ci on utilise des avions de transport vers une myriade de terrains d’aviation.
C’est dans ce contexte que l’équipage du sous-lieutenant Kenneth W Johson s’envole pour ce qui sera sa dernière mission. Cet équipage est formé de cinq hommes : le commandant de bord, le copilote le sous-lieutenant Clyde K McDow, le radio le première classe Edward M White, le mécanicien le sergent-chef John L Demmer et le soutier le sergent-chef Gutierrez. Leur mission est de transporter du fret entre le terrain de Grove dans l’Oxfordshire (station 519) et celui de Villeneuve-Vertus (A-63).
Image de la trajectoire réalisée par le C47
La mission ne sera jamais remplie, l’avion s’écrasera en bordure du bois de Toulon-La-Montagne à 13h00.
Pourquoi ? En l’absence d’enquête complète, la guerre faisant augmenter considérablement le nombre d’accident d’avion, il n’est pas possible de répondre à cette question de façon certaine. Les causes peuvent être diverses et multiples. Abattu par un avion allemand, c’est peu probable. Malgré la destruction d’avions citées précédemment, la Luftwaffe (armée de l’air allemande) n’est plus que l’ombre d’elle-même, elle manque de pilotes expérimentés, de carburant, de chef clairvoyant. Elle reste dangereuse mais la possibilité de trouver un ou des chasseurs allemands dans les parages du crash est minime. D’autres facteurs sont plus probables. Le premier la météo, ce jour-là, il y avait une tempête de neige. Celle-ci aurait pu provoquer un fort givrage de l’avion, le faisant descendre irrémédiablement. Ou obliger les pilotes à descendre sous le plancher des nuages, mais à cause une position de navigation erronée, s’écraser près de Toulon-La-Montagne pensant que le sol était moins élevé à la sortie des nuages. Un incident mécanique, la fiabilité des avions de l’époque n’était pas le même qu’aujourd’hui. Un dernier facteur est celui de la jeunesse et de l’inexpérience de l’équipage. Pendant la guerre, des milliers de pilotes ont été formés dans un délai très court. Leurs capacités et leurs volontarismes ne peuvent être remis en cause. Mais leur expérience n’était pas aussi facile à accumuler qu’en temps de paix. Face à une météo capricieuse, à l’urgence et au stress de la mission, Une erreur humaine a pu être commise.
Image d'un C47, commentaire : c’est avec ce type d’avion que l’équipage du SLT Johnson effectuait sa mission.
Il ne sera jamais possible de savoir exactement se qui s’est passé. Sur les cinq membres d’équipage seul le sergent-chef Gutierrez s’en est sorti. Le sous-lieutenant Johnson est enterré à Buffalo. La dépouille du sous-lieutenant Mc Dow est au cimetière militaire d’Epinal. Le corps du sergent-chef Demmer a retrouvé ses terres natales dans le Missouri. Je n’ai pas plus d’information concernant le première-classe White.
Tous ces hommes faisaient parties de ces jeunes américains engagés dans une guerre pour libérer l’Europe loin de chez eux. Ils n’étaient pas en première ligne mais prenaient des risques pour remplir les missions permettant aux unités combattantes de continuer à se battre. Ils méritent pour cela toute notre considération.
Photo du copilote Clyde K. Mc DOW (source site find a grave)
Photo aérienne de l’emplacement du terrain A-63 de Villeneuve-Vertus en 1948. En jaune probablement la piste et en rouge la zone de parking, l’aérodrome a été démantelé après-guerre (source site remonter le temps)
Photo des restes du Douglas C47 appartenant au 31ème Transport Group du 313 ème Transport Squadron de la 9 ème Air Force (source AFHRA)